Les
ingénieurs des "Ponts et Chaussées" gallo-romains font dans la
simplicité – la ligne droite – ou annexent un dense réseau gaulois
préexistant.
Le tout agrémenté de "stations-service", et cartes routières à l’appui.
Les
Romains, on le sait, étaient gens pratiques. Et leurs ingénieurs des
"Ponts et Chaussées", civils et militaires, ne s’embarrassaient
pas de fioritures.
Chaque
fois que c’était possible, ils allaient droit au but. C’est
pourquoi les voies qu’ils ont eux-mêmes tracées, en Gaule et
ailleurs, ont si souvent, en plaine naturellement, cette implacable
rectitude à laquelle le citoyen d’aujourd’hui reconnaît, au
premier coup d’œil, tel "chemin de César", tel "pavé des
Romains", telle "chaussée Brunehaut", abusivement baptisée ainsi
du nom d’une dame des temps mérovingiens, période agitée où l’on
ne construisit pas la moindre route. Ou encore ce "Chemin des
Dames", voie romaine "annexée" par les filles de Louis XV, et qui
vit tomber tant d’hommes pendant la guerre de 1914-1918. |
Cette
vision exacte, mais courte, des "voies romaines" mérite quelques
correctifs.
Parce
qu’ils étaient pragmatiques, les Romains évitaient les
difficultés : leur viae ne s’enfonçaient jamais dans les
forêts (gare aux embuscades), elles les longeaient à bonne distance ;
de même elles préféraient les crêtes de cavalerie (d’où l’on
voit sans être vu), les pentes au sud (plus "douces" l’hiver),
contournaient marais et tourbières (trop longs et trop coûteux à
combler).
Quand
il le fallait, ils aménageaient des gués, créaient des ponts (de
bois, de pierre, de bateaux). Certains sont toujours là. Parfois, dans
les Alpes (pour assurer des liaisons rapides avec l’Italie), ils
creusaient des tunnels ou des chaussées au flanc des à-pic. Surtout,
ils n’hésitaient pas à utiliser, dans leurs réseaux, les pistes
gauloises, nombreuses et d’assez bonne qualité, comme nous le
révèle de plus en plus l’archéologie.
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Via Appia, la voie Appienne, commencée par Appius Claudius en 312 av. J-C
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Ce
vieux réseau gaulois avait une importance implicitement reconnue par
César lui-même dans ses "Commentaires de la guerre des Gaules". Il
y vante souvent la rapidité de ses légions à se déplacer pour
prendre de vitesse leurs adversaires. La célérité implique de bonnes
routes. Comme les aimait l’armée romaine.
La
Gaule indépendante possédait donc autour des "capitales" de chacun
de ses peuples des réseaux en étoile, parfois imparfaits, mais denses.
Roger Agache, le promoteur de l’archéologie aérienne, a repéré en
Picardie non seulement des pistes mais aussi des chemins creux gaulois.
Un détail confirme l’intégration du réseau primitif au réseau
gallo-romain : sur celui-ci, les itinéraires étaient mesurés tantôt
à l’aide du mille romain (mille passus, de 1481 mètres),
tantôt en lieue gauloise d’ailleurs variable selon les régions (leuga,
de 2 200 à 2 400 mètres) que Rome voulut normaliser à 2 222 mètres
(1,5 mille romain).
Les
grandes routes publiques (viae publicae) portent souvent le nom
de celui – empereur, proconsul, gouverneur, censeur... – qui les a
fait construire, comme cette via Domitia (la plus ancienne de Gaule),
créée par Cneus Domitius Ahenobarbus (littéralement Barbe d’airain,
autrement dit Barberousse) qui relie les Alpes (col du Mont-Genèvre)
aux Pyrénées. |
Ces "autoroutes" de l’Antiquité possédaient de nombreux équipements:
-
tous
les 5 à 12 milles, un relais (mutatio) où changer de
chevaux, et notamment ceux des messagers officiels, véritables "stations-service",
-
tous
les 30 à 90 kilomètres selon les difficultés du parcours, un
gîte d’étape (mansio) comprenant souvent une taverne (taberna)
ou un restaurant (caupona), des entrepôts (horrea)
où stocker les marchandises.
Ces
grandes routes sont toujours réalisées aux frais de l’État, souvent
sur la cassette personnelle de l’empereur ou sur le budget des armées
(pour les voies stratégiques). Mais à côté des grandes voies
publiques existe un réseau secondaire (les viae vicinales, mot
latin signifiant "de voisinage") construit et entretenu par les pagi
(d’où vient notre mot "pays", dans le sens étroit de pays d’Auge
ou de vin de pays), c’est-à-dire les cantons, les districts, comme on
dirait aujourd’hui.
Comment, sur ce réseau complexe, le piéton, le
cavalier, le roulier (le "routier" d’alors avec son chariot) s’y
retrouvaient-ils ?
Outre, bien sûr, les renseignements oraux, le
voyageur disposait de divers éléments :
-
des hautes bornes, les bornes milliaires,
portant entre autres le nom de la voie et des distances ; on en
a retrouvé plus de 4000 dans le monde romain, dont 650 en Gaule
et en Germanie ;
-
des "cartes", telle la fameuse "table de
Peutinger", avec ses vignettes type "Guide Michelin", ou
encore l’indicateur, discuté, de Macquenoise (Belgique), une
dalle de céramique où figure, gravé avant cuisson, l’itinéraire
détaillé de Bavay à Marseille ;
-
des
guides, comme l’itinéraire d’Antonin, qui donne les
distances de ville à ville ;
-
d’étranges
objets, tels les quatre gobelets d’argent de Viccarello, en forme
de milliaire, qui portent chacun un itinéraire avec la distance en
milles entre chaque gîte d’étape, et étaient destinés à des
curistes ibériques se rendant de Gadès (l’actuelle Cadix) à la
station thermale de Viccarello, près de Rome.
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Borne milliaire
placée tous les 1000 pas |
Pour tout savoir sur les voies romaines :
Itinéraires romains en France
Site très complet avec cartes et itinéraires détaillés.
Regardez particulièrement les voies 5.2 et 5.3 qui passent par
Estaires
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