César Jourdin

Lauréat des Rosati de Flandre
deux premiers prix d'histoire locale


ESSAI HISTORIQUE
SUR ESTAIRES

en Flandre Maritime,
aux confins du pays d'Alleu

Dans son inventaire des Archives communales d'Estaires antérieures à 1790 (Lille, imp. Danel, igoz),
M. Finot, archiviste en chef du Département du Nord, écrit :

Lors d'une contestation qui s'était élevée en 1606 entre les villes de Bailleul et d'Estaires, les échevins de cette dernière localité produisirent de nombreux titres dont la teneur fut résumée dans un mémoire destiné à prouver :

1° que la ville d'Estaires est une ville du pays de Flandre, privilégiée, ayant plusieurs droits, franchises et libertés ;

2° que c'est une ville fermée de portes, entourée de fossés, ayant chaussées en dehors et bornées de bornes marquées aux armes de la ville

3° qu'elle a deux places publiques pour les marchés avec halle, maison de ville, bretèche, cloche et wigneron (petite cloche sonnant la fermeture des cabarets), chambre secrète (prison), consistoire pour les plaids ordinaires et généraux, vulgairement dits "franches vérités ", ensemble toutes sortes de mesures pour la bière, les vins, grains, draps, toiles, bois, avec un poids public mesures de poids propres et particulier à ladite ville

4° qu'elle a un marché hebdomadaire et une franche foire annuelle ;

5° qu'elle a aussi un hôpital public dans la ville pour les pauvres étrangers et une maladrerie pour les lépreux ;

6° trois confréries privilégiées qui ont chefs, officiers et franchises, privilèges et libertés comme les autres confréries des autres villes de Flandre

7° un franc-métier de porteurs de sacs ayant doyen, assistants assermentés, etc.

M. Finot ajoute :

Nous avons tenu à reproduire in extenso cet extrait des titres des archives communales d'Estaires, car il donne, dans un langage du temps, une description très exacte de cette petite ville de Flandre, sur les confins de l'Artois et parce qu'il la ressuscite en quelque sorte à nos yeux pour nous la présenter telle qu'elle était il y a trois siècles, avec ses institutions communales et religieuses, ses établissements charitables, sa vie commerciale et industrielle.

Il n'est pas étonnant qu'une telle ville, ayant joui au moyen-âge d'une certaine importance, ait conservé en grande partie les papiers et documents attestant sa vie locale d'autrefois comme des témoins fidèles venant, pour ainsi dire, la raconter.

Hélas ! ces archives si anciennes si soigneusement rangées et conservées n'existent plus. La guerre, l'implacable guerre de 1914.-1918, les a dispersées ou anéanties. Dans son rapport de l'année 1930 sur les Archives Communales l'archiviste en chef du Nord s'exprime ainsi au sujet d'Estaires :

Les archives anciennes ont été anéanties le 9 avril 1918 dans la cave où on avait cru les mettre en sûreté. Elles comptaient 657 articles de 1428 à l'an II (1794) d'après l'inventaire sommaire publié en 1902 par De Cleene.

Les archives modernes ont subi le même sort : l'inventaire dressé en 1843 indique que les délibérations municipales étaient complètes en 1789. Elles ne remontent plus qu'à 1919, sauf l'état civil reconstitué depuis 1838 par le greffe.

Pour comble de malheur, nous devons ajouter que les archives reconstituées à partir de 1919 jusque 1939 ont également disparu au cours de la guerre 1939-1945 au moment de l'exode (juin 1940.

C'est, dans notre modeste sphère, pour remédier à ces désastres que nous nous sommes imposé le soin de réunir, de compiler les textes épars dans nombre de publications disparates, et d'en tirer, pour une grande part la " Petite histoire " que nous offrons à nos concitoyens et plus généralement à tous ceux qui, en Flandre et ailleurs (et ils sont nombreux), s'intéressent aux vieilles coutumes et aux antiques cités.


LES ORIGINES

Un des peuples de l'ancienne Gaule était les Morins, qui habitaient les bords de la mer du Nord et une partie des provinces de Flandre et d'Artois.

Lors de la conquête de la Gaule par les Romains, César et ses légions trouvèrent, parmi les Morins, des résistances qui prouvaient leur courage et leur amour de l'indépendance. Les Romains occupèrent la Gaule pendant environ cinq siècles, puis ce fut le tour des Barbares (peuples étrangers à la civilisation romaine ou grecque et originaires surtout d'Allemagne et de l'Europe centrale), les Francs entre autres, qui, peu à peu, étendirent leur domination sur tout ce qui devait un jour s'appeler la France.

A cette époque, la localité dénommée aujourd'hui Estaires s'appelait Minariacum, sur la Lys, point où la voie romaine, venant de Cassel par Caëstre, se partage en trois tronçons : le premier sur Wervick ; le second, sur Tournai, par Lille ; le troisième sur Cambrai et l'Artois, par La Bassée et Lens.

On suppose qu'après la bataille gagnée sur Attila (451), Aëtius, général romain, s'arrêta aux bords de la Lys, ce qui expliquerait le nom d'Eti Terra d'où viendrait Estaires. Toutefois, cela n'est qu'une hypothèse, car dans une bulle du pape Étienne, en 766, Estaires est nommée en langue latine " Stegras ", qui semble offrir une meilleure étymologie que la précédente et qui se rapproche davantage de la dénomination " Stegers " que l'on trouve parfois sur certaines cartes géographiques anciennes, en particulier les cartes portant les noms flamands.

Les peuples morins et autres des bords de la Lys adoraient Mercure (dieu du commerce) lorsque parut saint Waast, qui, après avoir instruit Clovis en vue de son baptême par saint Rémi (496), s'en vint évangéliser nos contrées comme évêque d'Arras (500), puis de Cambrai (510).

Toutefois, on note que les premières prédications chrétiennes eurent lieu à Estaires vers l'an 285 par les saints Piat, Victorien et Fuscien, ainsi que par saint Victrice en l'an 404, et, vers 505, par saint Antimond.

Quoi qu'il en soit de ces débuts, saint Waast, qui avait élevé un oratoire sur les bords de la Lys, peut, à bon droit, être considéré comme le premier apôtre de notre contrée.

C'est ce qu'ont d'ailleurs si bien compris nos pères qui lui ont consacré maintes églises : Estaires, Bailleul, Armentières, La Bassée, Arras, etc. pour n'en citer que quelques-unes.

Vers l'an 605, saint Amand prêche la foi chrétienne à Estaires et on le voit, en l'an 610, se rendant de cette ville à La Bassée par le " grand chemin ", qui, aujourd'hui encore, a conservé son appellation.

Dès 765, un cartulaire de l'abbaye de saint Waast à Arras cite parmi les " villas " que cette abbaye possède Stagras (Estaires), Saliacum (Sailly-sur-la-Lys), Armentiaras (Armentières).

Vers l'an 880, les Normands, peuplade nordique qui, périodiquement, descendait piller nos contrées, détruisent la ville de Minariacum (Estaires)

H. R. Duthilleul, Bibliothécaire de la ville de Douai, dans son livre Petites histoires du pays de Flandre et d'Artois écrit : "Le nom d'Estaires dérive du celtique Steer (rivière que l'on peut passer à gué) et que les Romains ont rendu par Minariacum, qui signifie en latin Minor Acqua " eau moindre, endroit où l'eau est peu profonde, et nommé Steghers en flamand." Cette explication nous paraît acceptable et assez probante.

H.R. Duthilleul, déjà cité, dit que l'Assemblée du Conseil Royal de Verberie, en 869, déclara Estaires affecté à la nourriture des religieux de l'abbaye de Saint-Waast d'Arras. - Un diplôme de Charles le Chauve de 867 l'avait précédemment établi et confirmation en fut faite par une bulle du pape Jean VIII du 28 décembre 879.

De son côté, Victor Derode, l'éminent historien de Lille, situe l'existence d'Estaires en 648, dans les toutes premières localités de Flandre avec Cassel, Gravelines et Loon.

Merville, voisine d'Estaires, n'apparaît que vers 684 (Bulletin du comité flamand). D'après Arnould Detournay, cette destruction d'Estaires par les Normands vers 880 expliquerait pourquoi cette localité n'est plus citée ni dans les titres ni dans les chroniques jusqu'au XXIIe siècle.

On ne possède guère de renseignements offrant de sérieux caractères d'authenticité sur l'histoire du pays pendant la période qui précéda l'an mil et les croisades.

On note simplement qu'en 1096 le seigneur ou comte d'Estaires part à la croisade pour la délivrance de Jérusalem et des lieux saints.

D'une façon, générale, on peut dire que jusqu'à la Révolution française la ville d'Estaires a été successivement placée sous la juridiction de l'abbaye de Saint-Waast d'Arras, représentée par les avoués " de Béthune ", par la famille des Stavèle et par celle des Montmorency Robecq, cette dernière de 1604 à la Révolution (1789).


LA GORGUE

Nous ouvrirons ici une parenthèse pour dire un mot de la ville sœur d'Estaires, La Gorgue, dont la destinée s'est d'ailleurs bien souvent confondue avec celle de la première, dont elle est issue. Après la destruction d'Estaires par les Normands une partie de ses habitants, qui avaient fui l'invasion, seraient venus se fixer au confluent de la Lys et de la Lawe et auraient donné ainsi son origine à La Gorgue.

En effet, petit à petit, Estaires s'était agrandie et s'étendait depuis le pont d'Estaires, à la jonction de la Meterenbecque avec la Lys, jusqu'au confluent de celle-ci avec la Lawe, en amont, de sorte que des habitations s'étaient élevées de part et d'autre de la rivière principale, la Lys.

Mais, ce n'est qu'en 1190 que Robert, seigneur de Béthune, et Jean, évêque de Thérouanne, par le conseil de Guillaume, cardinal-archevêque de Reims, partagent la paroisse en deux : Estaires et La Gorgue.

Le chapelain de la Gorgue, dépendant de l'abbaye de Beaupré, reçoit en partage avec l'église d'Estaires les droits de mouture et de pêche. (Gorgue, en latin Gorgo, Gorgus : clôtures de pieux, clayes ou osiers, faites dans une rivière pour prendre le poisson).

Le seigneur ou comte d'Estaires présente le curé, le jour de la dédicace de l'église (d'où est venu par corruption le mot ducasse) ; le curé de la Gorgue paie 12 deniers à celui d'Estaires, accord qui ne sera exécuté qu'après la mort de Simon-Richard Gomer, alors curé d'Estaires

La Gorgue fut brûlée en 1340 par les Flamands et en 1347 par les Français lors du siège de Calais.

En 1393 ses habitants furent autorisés à fabriquer toutes sortes de draps comme ceux d'Estaires et de marquer les dits draps aux armes du comte (Louis de Mâles). Pendant longtemps La Gorgue fut considérée comme la capitale du pays d'Alleu et un commerce important de draps et de toiles s'y faisait en particulier le jour de la foire dite de la Mayolle, le premier lundi de mai.

- Pendant la Révolution une Société Populaire très active exerça une certaine influence sur les associations similaires des localités voisines, jugées sans doute trop tièdes à l'égard du nouveau régime.

Les deux villes sœurs, dont les intérêts sont d'ailleurs identiques, ont toujours vécu en bonne intelligence, de sorte que, depuis surtout l'établissement du chemin de fer, l'habitude est souvent prise de dénommer " La Gorgue-Estaires " l'importante agglomération de près de 10 000 habitants que forment les deux communes de part et d'autre de la Lys et que trois ponts relient entre elles. Pour sa part, La Gorgue compte 4116 habitants d'après le recensement de 1954.

Cette sympathie, dirons-nous naturelle, se manifeste notamment par le concours que les sociétés locales : musiques, pompiers, orphéons, gymnastique etc. se prêtent mutuellement dans l'organisation des fêtes et réjouissances publiques ou autres.


LA FÉODALITE, LE MOYEN-AGE

Chacun sait que la féodalité est le système des lois et coutumes de droit seigneurial qui a régi la France (et d'autres pays) pendant plus de huit siècles.

En abordant cette période de la féodalité peut-être n'est-il pas superflu pour la compréhension des événements qui vont suivre de rappeler sommairement quels étaient les us et coutumes qui constituaient le régime féodal.

A l'origine, les fiefs étaient des concessions de terres faites ordinairement par le souverain aux membres de sa famille (apanages), aux grands de sa cour, à ses vaillants capitaines, etc., à certaines conditions dont les principales étaient :

- l'hommage ou reconnaissance de vassalité ;

- le service militaire, par lequel le vassal s'engageait à lever des hommes d'armes pour une période déterminée et qu'il mettait à la disposition de son suzerain ;

- le service des plaids, c'est-à-dire l'administration de la justice et, en outre, quelques redevances pécuniaires, tel le droit de relief, lorsqu'il y avait changement de titulaire du fief, soit par héritage, soit par acquisition agréée, car, même en cas de décès du titulaire, son héritier devenait censément un nouveau concessionnaire, qui, après avoir rendu hommage à son suzerain, s'engageait aux mêmes charges et obligations, et acquittait le droit de relief.

Il arriva que les grands vassaux, dont les fiefs, domaines ou apanages étaient parfois considérables, en établirent eux-mêmes que, sous le nom d'arrière-fiefs, ils concédèrent à d'autres personnes à des conditions de même nature. C'est ainsi que se constituèrent, au début, les différents degrés de la noblesse : ducs, marquis, comtes, barons, chevaliers etc., dont les titulaires opéraient comme leur suzerain, partageant leurs terres ou bénéfices et déléguant leurs pouvoirs à leurs vassaux.

On arrivait de la sorte à ce que dans les villes, et surtout dans les campagnes (car les villes, sous forme de communes, surent bientôt s'émanciper de leur autorité), le pouvoir public était détenu par des baillis, lieutenants, prévosts, mayeurs, échevins, etc., qui étaient, en fait, des seigneurs au petit pied, plus ou moins contrôlés.

Il est évident qu'un tel système de gouvernement était générateur d'abus, car la puissance publique, ainsi diluée, parvenait dans une infinité de mains, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'étaient pas toutes d'une intégrité absolue.

Ce mode de gouvernement fut donc celui qui régit la France (avec des formules parfois diverses suivant les provinces et même les localités) du IXe siècle à la fin du moyen-âge, c'est-à-dire jusqu'au milieu du XVe siècle, époque à partir de laquelle l'autorité royale s'y substitua peu à peu laissant toutefois subsister certaines pratiques et coutumes et surtout certains impôts issus de la féodalité.

Toutefois en ce qui concerne notre région, ajoutons avec Mgr Dehaisnes, l'éminent archiviste déjà cité, que dans ce pays de la bourgeoisie qu'était la Flandre, les nobles avaient toujours été peu nombreux et peu influents (Bulletin du comité flamand, tome 6 page 235). - D'ailleurs, et bien que cette observation ne s'applique pas expressément à la famille de Montmorency, il est juste de dire qu'il existait une noblesse de campagne qui , sans argent et quelquefois sans instruction, vivait sans influence politique ; mais il ne faut pas en conclure qu'elle était sans influence sociale car, souvent les nobles campagnards passant leur existence au milieu des paysans, compatissant à leurs peines et à leurs fatigues, partageant souvent leur pauvreté, retiraient de cette vie commune un profit bien naturel de considération et d'autorité (cf. Vente des B. N., Perrin, 1908 . Amédée Vialey, Paris).

Un exemple de cet attachement est celui des Vendéens à leurs nobles terriens pendant la Révolution.

Nous résumerons, souvent sous la forme chronologique, faute d'éléments plus explicites, les différents événements qui jalonnent l'ère féodale et qui se rapportent à notre histoire, suivant en cela M. Arnould Detournay, le très réputé antiquaire, qui résida longtemps à Estaires.

1024. - Le cartulaire de Saint-Waast d'Arras cite toujours Estaires, Sailly, Fleurbaix, Laventie comme dépendant de l'abbaye. - Par contre Armentières n'y figure plus, sans doute a-t-elle été cédée aux seigneurs séculiers.

1213. - Bauduin, seigneur d'Estaires, épouse Catherine, fille de Gauthier de Courtray, chambellan de la comtesse de Flandre.

1226. - Michel de Harnes fonde la chapelle de Doulieu. Vers cette époque, le comté de Harnes cesse de faire partie de l'Artois pour entrer dans la circonscription de Doulieu, paroisse d'Estaires.

1228. - Jean, seigneur du Berquin, prisonnier aux Croisades et racheté des mains des infidèles par les religieux Trinitaires, donne à ceux-ci la chapelle de la Covorde à Estaires.

1235. - Jean, dit le Fosseux, seigneur d'Estaires, épouse Ermendrade, sa cousine, fille de Philippe d'Aire.

1303. - Philippe, seigneur d'Haverskerque, d'Estaires, de La Motte-au-Bois et de La Gorgue, épouse Adèle, fille de Charles maréchal héréditaire de France.

La même année, Jean, frère du seigneur d'Estaires est fait abbé de Clairvaux et, à ce titre, reçoit des donations de Robert de Béthune.

1320. - Estaires, sa forteresse et la forêt de Nieppe avec le pays jusqu'à la mer sont donnés à Robert, seigneur de Cassel et de Warneton, 2è fils de Robert de Béthune, comte de Flandre.

1328. - Louis, comte de Flandre, confirme les libertés de la ville d'Estaires.

1336. - Philippe, seigneur d'Estaires, épouse Marie, dame de Cléri-sur-Somme. Hugues, son frère, était abbé de Bourghelles. - Jean de Ghistelles, son grand-oncle, est tué à Crécy (1346).

1347. - Les Flamands soumettent le pays d'Alleu, c'est-à-dire la région environnant la Lys, assiègent Béthune et brûlent Estaires.

1355. - Renaud, seigneur d'Estaires et de Neuf-Berquin, épouse Aloïde, fille de Robert d'Espierres. Il vend à Louis de Mâle La Motte, La Gorgue, et tout ce qui en dépend.

1357. - Jean, seigneur d'Estaires, épouse Marie de Moliens ou de Malines. Il est tué dans une bataille et enterré avec sa femme dans l'église d'Estaires, où il a fondé une messe tous les vendredis.

1379. - Jean, seigneur d'Estaires, est fait chevalier à la défense d'Audenaerde contre les Gantois.

1383. - Estaires est incendiée par les Anglais (guerre de Cent Ans.) Les Anglais étant alliés aux d'Astevelle et aux Flamands, tandis qu'Estaires et son seigneur d'Haverskerque étaient restés soumis au roi de France.

1387. - Yolande de Flandre, comtesse de Bar et dame de Cassel, princesse qui fut toute sa vie " besoigneuse " est tellement à court d'argent que ses créanciers, des usuriers lombards, la firent enfermer à Tournai, cède à Henri d'Antoing (près de Tournai), chevalier, la seigneurie du Pont d'Estaires, en échange de 200 livres de rente sur la forêt de Nieppe.

1403. - Henri d'Antoing, devenu seigneur d'Estaires, a deux filles ; Marie, l'aînée, épouse Engelbert d'Enghien et, à la mort de son père, devient dame d'Estaires. Sa sœur, Marguerite, épouse Jean de Stavèle.

1403. - Estaires est de nouveau incendiée.

Marie d'Antoing, dame d'Estaires, restaure l'hôpital. Elle et son mari, Engelbert d'Enghien, peuvent être considérés comme les grands bienfaiteurs de leurs sujets d'Estaires, en raison des donations qu'ils ont faites pour l'assistance aux malheureux.

1426. - Le pape Martin V accorde des indulgences pour ceux qui soutiennent la léproserie d'Estaires. - Nous reviendrons sur ce Sujet lorsque nous aurons à traiter de la " Maladrerie d'Estaires ".

1431. - Charles Charpentier est curé d'Estaires. - Les curés de cette ville étaient chanoines réguliers de l'abbaye de Chocques : ils le seront jusqu'à la Révolution.

1436. - Engelbert d'Enghien, et Marie, sa femme, dame d'Estaires, déjà cités, fondent la chapelle du Château d'Estaires. -

Simon, prêtre du diocèse de Cambrai, en devient le premier chapelain avec 43 livres 15 sols de gros, selon les intentions de Henri et de Marie de Cléri.

A vrai dire, il semble que vers cette époque encore, le centre de la cité était bien le Pont d'Estaires, où se trouvait précisément le château du seigneur avant Anne de Pallant.

Le 15 juillet de la même année, la ville d'Estaires s'accroît de la seigneurie du Neuf-Berquin (Zuut-Berquin en flamand).

A ce sujet, il est à noter qu'Estaires fut toujours considérée, même lorsqu'elle était du ressort de la châtellenie de Cassel, comme faisant partie de la Flandre, tout au moins en ce qui concerne la portion située sur la rive gauche de la Lys. Cependant la langue flamande n'y fut jamais d'un usage courant, sauf dans une de ses dépendances primitives " Zuut-Berquin ".

Néanmoins, l'auteur se rappelle que tout enfant, on rencontrait encore à Estaires quelques vieilles personnes qui faisaient usage de la langue flamande (1880), sans doute était-ce des personnes flamingantes implantées à Estaires.

1460. - Des religieuses du tiers-ordre de saint François viennent de Bailleul à Estaires pour diriger l'hôpital destiné à recueillir les malades et les pauvres pèlerins. Nous leur consacrons plus loin un article spécial.

1474. - Estaires est à nouveau brûlée, cette fois, semble-t-il, accidentellement " grand feu de méchef ", disent les archives.

A cette époque, la ville renfermait 874 métiers de tisserands. A la suite de cet incendie, il n'est pas resté une seule maison dans la ville, dont toutes les chartes furent la proie des flammes.

La ville était d'ailleurs constituée par des maisons en bois ou en paillis disposées dans des rues très étroites, ce qui facilitait la propagation du feu.

1482. - Jean, seigneur d'Estaires et de Glajon, épouse Barbe de Mony, issue des de Béthune. - Vers cette époque Marie d'Enghien, étant morte sans postérité, son neveu Josse de Stavèle, fils de Jean et de Marguerite d'Antoing, devient seigneur d'Estaires et épouse Jeanne de Berlaymont, dame de Glajon ou Glageon.


LA DOMINATION ESPAGNOLE

Pendant plus d'un siècle et demi, soit de 1526 à 1679, Estaires fut occupée par les Espagnols. Contrairement à ce qui est généralement admis, le régime espagnol n'a guère eu d'action profonde dans le pays. Certes, le pouvoir central était exercé nominalement par la nation occupante, mais comme, en définitive, l'administration était, en fait, entre les mains des nobles, des notables et bourgeois du pays, on peut dire que la Flandre a réussi à conserver ses propres coutumes et même qu'elle parvint à exercer son influence sur l'occupant lui-même, dont les garnisons étaient d'ailleurs peu nombreuses et intermittentes.

Cette influence flamande est si vraie que Charles-Quint, le premier prince espagnol qui a gouverné les Pays-Bas, était né à Gand ; il aimait la Flandre et se plaisait à parler flamand, et lorsque, âgé de 16 ans, il quitta Bruxelles pour prendre possession de la couronne de Castille, il ne savait dire un mot en espagnol, quoiqu'il le comprît un peu.

Durant les 2 années qu'il passa ensuite en Espagne, il donna toute sa confiance et tout le pouvoir aux Flamands qu'il avait emmenés avec lui (cf. Mgr Dehaines, archiviste du dép. du Nord).

Cette opinion n'est d'ailleurs que la confirmation de celle de l'historien flamand Meteren, qui, dans son Histoire d'Estaires, dit que " les habitants de cette ville sont gens pieux et anciens chrétiens de sorte que difficilement peuvent-ils embrasser les superstitions espagnoles. C'est un peuple qui aime la liberté. ".

1497. - Lettres de Philippe, duc de Bourgogne, autorisant Estaires à mettre sur ses rôles d'impositions les fiefs revendiqués par le Neuf-Berquin.

1511. - Naissance de Philippe de Stavèle.

1515. - Confirmation des marchés et de la foire d'Estaires, suivant ordonnance de Charles-Quint autorisant, en outre, le rétablissement des fabriques de drap.

Le 11 juin de la même année, Charles-Quint, en son conseil à Bruxelles, autorise l'établissement de droits d'octroi dans la ville d'Estaires, pour la réparation des chaussées.

1528. - Instructions données pour le commerce et la fabrication des draps.

1531. - Charles-Quint est reçu à Estaires par 2000 hommes en armes.

1531. - Philippe, baron de Chaumont et seigneur de Glageon, succède à son oncle Jean de Stavèle, mort le 10 avril, et enterré dans le chœur de l'église d'Estaires. Il épouse Anne de Pallant, dame du Pont d'Estaires, comtesse d'Herlies. Après avoir fait campagne à Tunis, Alger, en Italie, en Allemagne et en Hongrie sous Charles-Quint et Philippe II, il fut nommé membre du Grand Conseil, grand maître de l'Artillerie et chevalier de la Toison d'or (1559). Il mourut le 26 décembre 1563 et fut enterré dans l'église d'Estaires.

1553. - 25 juin. Thérouanne, siège de l'évêché, est rasée par Charles-Quint.

Vers 1553. - Charles-Quint passe au Pont d'Estaires. La ville avait été prise par les Espagnols en 1548, et la Flandre, Estaires exceptée, ne redevint française qu'après la bataille de Lens (1648) sous Louis XIV, victoire gagnée par le grand Condé et qui amena le traité de Westphalie.

1563. - Mort de Philippe de Stavèle.

1565. - Une grande famine désole le pays en raison de la pénurie et de la cherté des grains. La commune en achète à Gand pour les revendre à moindre prix.

1566. - Pour la première fois, dans un acte officiel, la rue des Ribaudes est nommée. Il est fâcheux que cette rue, successivement nommée depuis : rue des Jardins, rue des Écoles puis rue Jules Ferry ait perdu son appellation primitive qui avait au moins le mérite d'une origine historique ancienne et un goût de terroir prononcé !

Évidemment et comme le lecteur en a d'ailleurs jugé par lui-même, pour les historiographes de ces temps l'histoire s'identifiait le plus souvent avec les seuls événements survenus dans les familles royales ou princières, et passait facilement sous silence tous renseignements susceptibles de jeter quelque clarté sur les conditions de vie du petit peuple et même de la bourgeoisie. C'est donc sous cette réserve que nous sommes réduit à nous en tenir à cette sèche énumération.


LA REFORME. - LA RÉVOLTE DES GUEUX.

Le sentiment religieux catholique était et est encore intense dans le pays de Flandre et d'Artois. Aussi les nouvelles théories ou conceptions, philosophico-religieuses chères à Luther et à Calvin n'y trouvèrent pas un terrain propice à leur propagande. Tout au plus peut-on dire qu'à de rares exceptions près, la Réforme ne laissa que bien peu de traces dans ces pays très attachés à leurs croyances et à la foi de leurs ancêtres.

Néanmoins, vers l'an 1566, une révolte violente, qui avait ses racines et ses causes plus dans la politique que dans la religion, secoua les Pays-Bas et les territoires avoisinants. Ce fut la " Révolte des Gueux ", du nom qu'avaient pris eux-mêmes les insurgés, dont le centre était à Bruxelles et le chef le comte d'Egmont. - Pour se reconnaître, les Gueux, même gentilshommes affiliés à leur mouvement, avaient pour emblème une besace et une écuelle en bois.

A la vérité, sous le couvert du protestantisme, ce fut plutôt une insurrection contre la domination espagnole, qui n'était cependant qu'à ses débuts.

La région de Bailleul, Le Doulieu, Estaires, Lestrem et Merville, pour ne parler que des localités françaises, fut dévastée par ces hordes, dont beaucoup d'adeptes venaient de Belgique et qui comptaient toute la lie des mécontents, des bandits de droit commun, très heureux de se faire la main par leurs pillages sous le pseudo-prétexte de patriotisme et de réforme religieuse.

Les Gueux, organisés en bandes redoutables, armés de bâtons, de haches et de marteaux, se répandent dans les villages, escaladant les couvents et les églises, brisant les statues, dépouillant les autels des vases sacrés et parfois incendiant les immeubles, s'attaquant même aux personnes, ainsi qu'il fut fait au curé de La Ventie, qui n'échappa que par miracle à la torture et à la mort.

Nous devons à un de nos concitoyens, religieux trappiste au Mont des Cats, dom Eugène Arnould, la relation des excès commis par les Gueux dans ces parages, d'après les documents recueillis par son père, M. Arnould-Detournay, que nous avons déjà cité et dont le beau-père était précisément M. Detournay, maire de notre ville sous la Restauration : nous en parlerons plus loin.

Laissons donc la parole ou la plume à Dom Eugène du Mont des Cats (Souvenirs du pays d'Estaires, Taffin-Lefort, Lille, 1902) :

Il est juste de dire que ces forcenés (les Gueux) trouvaient aide et protection parmi les seigneurs de Flandre et d'Artois qui fréquentaient les prêches protestants et soutenaient ouvertement les Gueux en raison des profits qu'ils tiraient de leurs pillages.

De ce nombre était Jean le Sauvage, seigneur d'Escobecques et de Ligny (près de Beaucamps) ; Philippe, seigneur de Bailleul, Jean d'Estourmel, seigneur de Vendeville, dont le château du Doulieu était la citadelle calviniste du pays ; Jacques de Rosambos, parent de l'abbesse de Beaupré, et enfin Henri de Nédonchel, fameux sous le nom d'Hannecamp.

A Estaires, la société des Arbalétriers se composait presque exclusivement de calvinistes, dont Mathieu Chavatte, roi de la Confrérie. Le mot d'ordre avait été donné pour détruire en même temps, le 15 août 1566, fête de Notre-Dame, toutes les églises de l'Alleu et des environs.

Ce jour-là, il y eut deux prêches protestants sur le marché d'Estaires un en français, l'autre en flamand par le prédicant de Bailleul.

Le Seigneur de Vendeville y assistait, entouré de la compagnie des arbalétriers, et enrôlait des hommes d'armes sur l'ordre du prince hollandais de Nassau.

Après ces furibondes prédications, les sectaires se portent en masse sur l'église d'Estaires, où Le Josne, hôtelier de la taverne des trois rois, apporte des tonneaux de bière pour rafraîchir les pillards.

Verrières, statues, autels, crucifix, tout est brisé.

Les mêmes scènes se produisent à La Gorgue, Lestrem, Merville. L'abbaye de Beaupré échappe de près à un sac en règle. Les cérémonies religieuses sont tournées en dérision et font l'objet de parodies grossières.

A noter que si dans une région aussi profondément religieuse la révolte eut une si virulente importance, cela est dû à ce que dans presque toutes les localités, et notamment à Estaires, les magistrats, baillis, prévosts, échevins, etc. avaient fait cause commune avec les révoltés en haine du clergé, dont ils convoitaient des biens, symptômes avant-coureurs de la grande Révolution.

S'il faut en croire la petite histoire c'est de cette époque troublée que date le sobriquet " baudets d'Estaires " (Honni soit qui mal y pense !) que l'on accole parfois avec humour aux habitants de cette ville, reconnus cependant comme particulièrement attachés aux principes d'ordre et de religion et qui ne le cèdent en rien au point de vue du bon sens pratique à leurs voisins des communes environnantes.

En effet, les énergumènes dont nous parlons plus haut et dont la majorité était étrangère au pays auraient, dans une parodie sacrilège de procession, promené un authentique Aliboron sous le dais réservé à la Fête-Dieu.

Les Estairois ne sont guère offusqués de cette boutade plus ou moins historique, puisque chaque année, à la fête du pays, un monumental Aliboron, en carton-pâte celui-là, parcourt les rues de leur ville pour la plus grande joie des enfants, à qui il distribue ses " faveurs ", et de, nombreux visiteurs des communes voisines. Celles-ci ne sont d'ailleurs pas mieux partagées.

Ainsi, à Merville, les Gueux auraient enfermé un chat dans le tabernacle de l'église, d'où le sobriquet de " Caouts " (chat) que l'on attribue parfois aux habitants. De même à La Gorgue, où ces forcenés auraient rendu à un " magot " (bouc) les honneurs semblables à ceux dispensés au baudet d'Estaires.

Passons sur ces turpitudes qui, si elles sont vraies, prouvent que même parmi les peuples les plus pacifiques et les plus religieux, comme c'était le cas ici, quelques violents, par leur audace et leurs cruautés, parviennent souvent à s'imposer à des populations entières.

Naturellement, la réaction espagnole ne se fit pas attendre, et le duc d'Albe, gouverneur des Pays-Bas, qui en fut chargé, n'y alla point de main morte : le comte d'Egmont fut décapité.

Dans l'ensemble cependant, et pour nous en tenir à notre contrée, et compte tenu des mœurs du temps, les peines capitales furent rares. En ce qui concerne Estaires, Charles Le Josne, fils de l'hôtelier des trois rois, coupable de plusieurs méfaits et de crimes commis dans les parages de l'abbaye de Beaupré, en 1566, au moment de la révolte des Gueux, fut condamné le 25 juillet 1568 par le Conseil des Troubles à avoir la tête tranchée.

D'autres, dont nous ne publierons pas les noms, dont certains sont encore portés de nos jours, furent bannis à perpétuité.

Ainsi se termina, en ce qui regarde la région de l'Alleu, ce que l'on a coutume d'appeler sous le nom plus générique de guerres de religion.

Toutefois avant de clore ce chapitre sur la Réforme et le Protestantisme dans le pays, et par anticipation sur l'ordre chronologique que nous nous sommes imposé autant que possible, nous dirons un mot sur une affaire connue sous le nom Les Benants de Doulieu-Estaires.

En septembre 1710, l'abbé Goulliart, curé d'Estaires, eut à se plaindre auprès des autorités administratives du scandale provoqué dans sa paroisse par la famille Benant, du Doulieu, dont les membres, nés dans la religion catholique, avaient apostasié publiquement et professaient les doctrines de la Réforme en se livrant à une active propagande, allant jusqu'à héberger des prédicants calvinistes et même à insulter le curé chez lui.

Les autorités administratives, saisies de ces faits, se récusèrent, déclarant que les griefs du curé étaient justiciables des autorités religieuses, de sorte qu'après une longue discussion dilatoire entre elles, qui se rejetaient l'une sur l'autre la compétence en la matière, les Benants, sommés de comparaître devant Mgr de Valbelle, évêque de Saint-Omer, dont relevait alors Estaires, refusèrent de répondre à ses monitions et, le 6 juillet 1711, furent excommuniés.

A l'époque, l'excommunication était une sanction des plus graves, car elle avait pour résultat de mettre au ban de la société ceux qu'elle frappait. Aucun commerce, aucune relation de quelque nature qu'ils fussent ne devaient avoir lieu avec les excommuniés, et cette règle était suivie dans toute sa rigueur. C'est ce qu'il advint pour la famille Benant.

C'est ce qu'exprime M. le duc DE LEVIS-MIREPOIS, de l'Académie Française, dans son livre Philippe IV le Bel (Éd. de France, 1935, p. 83) lorsqu'il écrit : L'interdit n'était pas au Moyen-Age une vaine formule. Il faisait le désert autour des personnes et des cités qu'il frappait. En outre étaient nuls tous les actes, contrats, testaments passés pendant la durée de l'excommunication. Voilà une occasion de remarquer une fois de plus combien le spirituel et le temporel pouvaient se trouver mêlés en ce temps..

Finalement, après des péripéties diverses, cette famille en fut réduite à s'exiler en Hollande où la Réforme avait fait de grands progrès et où les Benants trouvèrent refuge, aide et assistance parmi leurs coreligionnaires.

Tel est en résumé, ce qu'on appelle parfois avec une pointe manifeste d'exagération le Protestantisme à Doulieu-Estaires.


UN ESTAIROIS, AMI ET ADMIRATEUR D'ERASME

D'aucuns parmi ceux qui nous liront s'étonneront peut-être de trouver ici le nom d'Érasme(1467-1536),le célèbre écrivain et philosophe de la Renaissance, le plus grand humaniste de son temps.

Aussi bien, n'est-il pas dans notre propos de refaire ici l'historique de cet esprit puissant, qui fut l'un des précurseurs d'un système que l'on nomme aujourd'hui l' " union européenne ", système susceptible, selon son auteur, d'améliorer la situation des hommes, de plus, il espérait, par la vulgarisation des belles lettres, des sciences et de la culture en général, développer les facultés morales de l'individu et des peuples.

Quoique prêtre catholique, Érasme émit parfois des propositions d'un certain libéralisme qui, dans cette période de chicane où s'affrontaient souvent sur des sujets que l'on nommerait aujourd'hui des broutilles, l'humanisme et la scolastique, propositions qui n'étaient sans doute pas, à l'époque, d'une inattaquable orthodoxie. Aussi fut-il, de ce fait, vivement combattu. Toutefois, au milieu de ses tribulations, et elles furent nombreuses, sut-il conserver autour de lui de solides amitiés, dont plus d'une en provenance même du parti qui le critiquait le plus. De ce nombre fut celle d'un Estairois du nom de Rhodus.

Godefroi de Roide (Rhodus, par cette manie fort commune à l'époque à certains auteurs de latiniser leur nom), natif d'Estaires, avait envoyé au maître un poème où il le couvrait de fleurs... de rhétorique. Érasme, en le félicitant de son tour de phrase qui traduit sans redondance et avec facilité ses sentiments et ses pensées, l'exhorte à choisir un sujet plus digne de sa muse que sa chétive personne (lettre d'Érasme à " Godefrodus Rhodus Stegrius ", Stegrius provenant d'Estaires qui en flamand se disait : Stegers.)

Rhodus a-t-il suivi ce conseil ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit, il demeura jusqu'à la fin l'admirateur du grand humaniste ainsi que l'atteste son Élégie sur la mort d'Erasme (1537) qu'il lui dédia dix ans après la mort de celui-ci. Il y brave les ennemis du défunt qui vouent aux supplices de l'enfer les malheureux apitoyés sur la disparition du maître : courageuse protestation contre les sectaires de toutes obédiences qui ne désarment jamais, même pas devant un tombeau (d'après Erasme et ses amis flamands, par Mgr Détrez, Lille, 1953).


LA DOMINATION ESPAGNOLE (II)

Reprenons notre récit à la date où nous l'avions laissé, c'est-à-dire à l'avènement de la famille de Stavèle.

1566. - Érection de barrières et de portes aux accès de la ville pour la défendre contre les séditieux et la nouvelle réforme religieuse (Gueux). -

Ces portes étaient situées :
- dans la rue de La Gorgue, aujourd'hui rue de Merville à hauteur de la ferme Coupé actuelle ; 
- dans la Grand'Rue, et que l'on appelait porte du Moulin, à cause d'un moulin à vent situé à proximité ; 
- dans la rue du Bois, aujourd'hui rue du Collège, un peu avant l'Institution du Sacré-cœur actuelle, 
- et enfin une autre dans la Grand'Rue, un peu en deçà de l'église, qui se situait en dehors du fossé de ville;
   le quartier du Pont d'Estaires à partir de la Basse-Boulogne était donc exclu de l'agglomération proprement dite.

1567. - Le roi autorise la ville à lever 6 deniers tournois sur le débit de chaque lot de vin ou tonneau de cervoise (bière) et un sol tournois sur chaque tonneau de double bière, pour solder un arriéré de 1000 livres de 40 gros et achever les chaussées et portes.

1576. - Le gouvernement espagnol donne l'ordre de se défendre contre les rebelles.

1577. - Estaires est brûlée par les Huguenots. - Les détails manquent sur ce nouveau sinistre.
Cette même année (1577) une nouvelle église est construire sur la première pierre posée par madame Anne de Pallant, veuve de M. de Stavèle, seigneur d'Estaires. Comme nous le verrons plus loin, cette église subsista jusqu'en 1858.

1579. - M. Hannote, curé d'Estaires.

1581. - Philippe, seigneur de Glajon, frère de Floris de Stavèle, d'Estaires, est tué à 19 ans devant Tournai et inhumé à Estaires.

1582. - Philippe II, successeur de Charles-Quint, délivre des lettres d'octroi autorisant la ville d'Estaires à s'imposer pour entretenir un petit nombre de gens de guerre.

1583. - Floris de Stavèle, comte d'Herlies, seigneur d'Estaires, est fait chevalier de la Toison d'or.
On sait que cette distinction, la plus haute conférée par les Espagnols, n'était accordée qu'aux seigneurs qui s'étaient signalés tout particulièrement par leur courage et leur bravoure.

1584. - Les Huguenots occupent le château du Doulieu et, en 1586, brûlent l'église d'Estaires et les chapelles du Doulieu et de Houque.

1587. - Le pays se dépeuple par la peste, la famine et la pauvreté, conséquences des troubles qui agitent et inquiètent le pays. Les loups et les chiens, par bandes, assiègent les voyageurs sur les routes et viennent rôder jusqu'aux abords de la ville. La culture est abandonnée et la misère générale.

1590. - Le droit de " pontenage " dessus et dessous le pont d'Estaires appartient moitié à l'abbaye de Saint-Waast d'Arras, moitié aux seigneurs de Montmorency. En 1753, par arrêt du roi en son conseil, cette dernière moitié fut cédée à un M. d'Amerval.