Maria ( 3 juin 1899 - 31 décembre 1932 )

La "Maria" (photo Maurice Depuydt)
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Fin du XIXème siècle, le gouvernement français met en oeuvre une politique du Chemin de Fer. Partout des lignes se créent.

En 1890, se fonde la Compagnie des Tramways de l"Artois. Parmi plusieurs de ses projets : la ligne Béthune-Estaires.

Ce tramway à vapeur, à voie métrique part de la Gare de Béthune et dessert les villes de Locon, Lacouture, Lestrem, La Gorgue et Estaires.

La Gare d'Estaires se trouve rue de Lille, à l'entrée actuelle du cimetière. 

On a vu grand : les installations comportent un quai à voyageurs de 100m, un autre quai à marchandises, une remise à locomotive, un bâtiment à voyageurs à un étage (qui existe toujours), diverses voies de garage  ... et un château d'eau.

Au Pont de la Meuse, une voie de 164m dessert le quai.

L'une des locomotives a été baptisée "MARIA. Peu à peu, les usagers de la ligne vont désigner ainsi toutes les locomotives puis le tramway lui-même.

Peu puissantes, elles peinent dans les montées du Pont de la Meuse et doivent souvent faire le plein d'eau.

En 1ère classe, l'ébénisterie est en acajou, les sièges garnis de drap et de coussins à ressorts, les dossiers rembourrés de crin. En 2nde classe, l'ébénisterie est en frêne et les sièges en lattes de pitchpin non jointives !

Le trajet Estaires-Béthune dure 1h22, à une moyenne de 13 km/h, ce qui est une prouesse compte tenu des nombreux arrêts. La vitesse est limitée à 10 km/h en ville et à 25km/h hors agglomération.

5ème couplet
de la Chanson d'Estaires

Pour aller à Bétheune
In avot in tramoué
Mais pour nous faire endéver
Y faijot del finquée
Pour monter ch'pont de la Meuse
Vous l'avez tartous vu
Y devot prenne des pintes
In sortant del grand rue.

 

L'ancienne gare de Maria
rue de Lille, à l'entrée du cimetière

 

Pendant la guerre, le front est à quelques km seulement. La ligne assure l'approvisionnement des troupes et, à partir de 1916, est placée sous la contrôle de l'armée britannique.

Le 9 avril 1918, l'armée allemande déclenche une violente offensive qui verra la destruction et l'occupation de nos villes et villages. Une grande partie du matériel ferroviaire, des rails, et des ponts est détruite.

La paix venue, les travaux de reconstruction de la ligne démarrent. Dès septembre 1919 la ligne Béthune-Locon est remise en service mais ce n'est qu'en 1926 qu'elle atteindra Estaires.

Malheureusement la ligne n'est pas rentable et le 31 décembre 1932, le dernier voyage de "Maria" est le prétexte d'un "Voyage d'Adieu" dont l'Écho du Nord retrace les péripéties :
 

"Maria" avait fait sa grande toilette, ses ferrures et ses cuivres étaient astiqués et au long de ses wagons, flottaient des banderoles et des drapeaux tricolores.

Retrouvant ses roues de vingt ans, "Maria" s'en fut, alerte, récoltant chez les populations des villages, des sourires, des saluts, auxquelles les passagers répondaient par des interpellations amusées.

L'arrivée sur la place d'Estaires fut sensationnelle ..., il y eut entre Béthunois et Estairois une même pensée : fêter la "Maria". Tous se retrouvèrent à l'hôtel Marchault autour d'un menu succulent, suivi d'une danse endiablée où chacun s'en donna à cœur joie.

Et ce fut le dernier retour ....

(d'après "Les Cahiers Béthunois)