LA MALADRERIE

Cette dénomination, qui a subsisté jusqu'à nos jours, du moins en ce qui concerne le quartier où cet établissement hospitalier se trouvait, selon toute vraisemblance, était appliquée à une sorte d'hôpital communal appartenant à la ville et bâti avec les deniers publics.

Bien que recevant des donations ou rentes de personnes fortunées, la maladrerie était administrée par les échevins, et la première qualité pour y être admis c'était le titre de "bourgeois de la ville".

La maladrerie recevait, en général, les contagieux et notamment les malades atteints de la lèpre, affection assez commune à l'époque. Les soins y étaient dispensés, suivant la coutume par des religieux de l'un ou l'autre sexe : les Récollets pour les hommes, les Sœurs Grises pour les femmes.

Comme il est dit plus haut, un quartier de la ville, situé entre Estaires et Neuf-Berquin, porte encore le nom de " Maladrerie ", ce qui laisse à penser qu'un établissement de ce genre existait en cet endroit après son transfert hors les murs de la ville.

En effet, la première maladrerie, dont il est parlé dans l'histoire de la ville, était située à l'endroit où se trouve actuellement le cercle Saint-Joseph, par conséquent, immédiatement en dehors du " fossé de ville " (aujourd'hui comblé et disparu), qui, partant de la Lys sous forme d'embranchement formant rivage, se dirigeait vers la rue du Bois pour obliquer à droite et rejoindre la Lys en passant : devant l'église, constituant ainsi un rempart naturel contre les incursions ennemies.

En 1722, sur la requête des princes de Montmorency, seigneurs d'Estaires, les biens de la maladrerie furent réunis et incorporés à ceux de l'hospice.


LA DOMINATION ESPAGNOLE (III)

1589. - Haute et puissante dame Anne de Pallant, douairière d'Estaires, et Floris de Stavèle, son fils, comte et seigneur du même lieu, établissent une confrérie d'archers de Saint-Sébastien, à la charge d'un autel dans l'église de cette ville "en l'honneur de Dieu et de messire saint Sébastien". La même année, une ordonnance de Philippe II déclarait la société des Archers d'Estaires "Société Royale".

Le tir à l'arc à la perche était et est encore un sport très favori en Flandre, et plusieurs " stands " de cette sorte existaient à Estaires et à La Gorgue. Pendant la bonne saison, des concours ont lieu entre les diverses communes comportant des sociétés d'archers. L'académicien René Bazin, dans son livre Le roi des archers, narre avec fidélité les diverses péripéties auxquelles donnent lieu ces luttes pacifiques pour abattre " l'oiseau d'honneur ".

L'ordonnance de Philippe II de 1589 déclare que la Société des Archers d'Estaires est une Société royale, jouissant des mêmes droits et immunités et soumise aux mêmes obligations et lois que les autres sociétés royales. En 1765, le prince de Robecq défendait par lettre au bailli d'Estaires d'arrêter quelqu'un de la confrérie Saint-Sébastien en l'engageant à chercher à terminer toutes les affaires contre les confrères, à l'amiable, et à en informer le prince.

Il semble bien que la comtesse Anne de Pallant, femme de Philippe de Stavèle, ait eu une prédilection particulière pour " sa bonne ville d'Estaires", dont elle fut la bienfaitrice insigne et dans l'église de laquelle elle fut inhumée en 1597.Son mari, Philippe de Stavèle, chevalier de la Toison d'or, était mort en 1563 et avec une pompe peu commune avait été enterré également dans cette église.

Voici, tel que nous le trouvons dans un document ancien, l'ordonnancement d'une partie du cortège qui le conduisit à sa dernière demeure (nous respectons l'orthographe).

"Ordre qui fut tenue pour aller à l'église 
le jour des obsèques de Philippe de Stavèle"

Premier. - Les enfants de l'église (enfants de chœur) vestu en souply deulx à deulx, la croix devant mouffle à double blasons, portans tous cierges ardans à la main, ensemble aultres enfans portans torses ardans en nombre de cinquante aussi deulx à deulx, l'ung après l'aultre.

En après suyvaient le clergié, gens d'église et prélats en ordre, selon leur état, revestus d'ornement comme il appartient à ce requis.

Item. - Après marchaient les officiers et gens de loy dudit seigneur deffunct, avecques les bourgeois notables de ladite ville d'Estaires, deulx à deulx honnestement vestus en doeul.

Puis après, marcher le premier hérault seul en sa robe de doeul. Après icelluy venaient les gentilhommes portans etc., etc.

Nous avons tenu à donner ce passage comme exemple du vieux français que l'on écrivait à cette époque, français qui, comme on le sait, n'était pas soumis aux règles strictes que nous appliquons aujourd'hui.

Le 7 avril 1590, Philippe II, roi d'Espagne et des Pays-Bas, approuve la confrérie des archers, qui, au besoin, servirait à la défense du pays et, le 11 avril, il constitue une rente au denier 20 pour les messes du samedi en l'honneur de la Vierge.
A la même époque, on trouve au Pont d'Estaires des médailles du temps des Antonins, empereurs romains de l'an 96 à 192.
Cette découverte semble corroborer les indications que nous avons données sur les origines d'Estaires, telles que nous les avons trouvées nous-même dans le Bulletin des Antiquaires de la Morinie.

1603. - Mort de Floris de Stavèle. Les Stavèle, seigneurs d'Estaires, portaient " d'hermines à bandes de gueules : cimier, la tête d'un enfant de carnation aux cheveux blonds ayant un bandeau sur le front, entre en vol d'hermine ".

1604. - Nicolas de Montmorency, fils de François de M. et de Marguerite de Stavèle, seigneur d'Estaires, épouse Anne de Croy.

1604-1605. - A la suite d'une enquête ordonnée par leurs soins, Albert et Isabelle, comte et comtesse de Flandre, confirment les coutumes de la Ville et de la Bourgeoisie d'Estaires.


COUTUMES DE LA VILLE D'ESTAIRES AU XIVe SIÈCLE

Par ce qui précède, on voit qu'Estaires avait pris à cette époque une importance relativement considérable et qu'elle était une des villes les plus florissantes de la Flandre Maritime. Cette prépondérance acquise à travers les siècles lui avait valu l'octroi de chartes et privilèges dont malheureusement nous n'avons pu retrouver l'intégralité.

Voici, d'après M. Fons de Mélicocq, antiquaire douaisien, qui s'est beaucoup intéressé aux choses d'Estaires, quelques renseignements à ce sujet :

Guillaume de Béthune, avoué à Arras, concéda en 1210 des privilèges particuliers aux habitants de Béthune, privilèges qui furent confirmés et augmentés par son fils Daniel, en mai 1222.

Robert de Béthune, fils de Daniel, confirma en 1245 ces coutumes propres au pays d'Alleu. Il paraît donc probable que les habitants d'Estaires, très liés déjà à cette époque avec ceux de Béthune et qui ne le cédaient en rien ni par le nombre ni par la richesse à leurs voisins, ont obtenu de leur seigneur les mêmes lois et privilèges ou plutôt la reconnaissance de ces lois et privilèges qui existaient en fait, sinon légalement, bien antérieurement et qui leur permettaient de traiter leurs transactions commerciales ou autres sur un pied d'égalité.

Estaires avait donc, dès le XIIe siècle peut-être, un banc de 7 échevins nommés le jour de la Saint-Rémi par le bailli du seigneur. Le chef des échevins ne prenait pas à Estaires le titre de " maïeur " mais bien celui d'avoué, comme à La Gorgue.

Pour l'interprétation des cas douteux de la coutume, les échevins d'Estaires devaient " aller au sens ", c'est-à-dire prendre conseil auprès de ceux d'Ypres ; les échevins de La Gorgue, dans le même cas, s'adressaient d'abord à ceux d'Estaires et, ensuite, à défaut d'éclaircissements suffisants, à ceux d'Ypres.

Les affaires importantes intéressant les habitants de toute la terre d'Estaires étaient réglées dans une " Assemblée ", présidée par le grand bailli, et qui se composait de l'avoué et des échevins de la ville d'Estaires, de 2 notables de Neuf-Berquin, de 2 du Pont d'Estaires, de 2 du Doulieu et de 2 de Waterlet, autre hameau d'Estaires.

Outre les coutumes, des règlements de police très stricts et d'une sévérité que l'on jugerait aujourd'hui excessive avaient été établis pour le maintien de l'ordre public.

Nous en donnons ci-après quelques extraits en soulignant une fois encore d'avoir, en les lisant, à se reporter aux mœurs et à l'ambiance du moment, à une civilisation en cours d'évolution, et que ce qui était considéré à l'époque comme normal, constituerait aujourd'hui une insupportable tyrannie.

QUELQUES RÈGLEMENTS DE POLICE DE LA VILLE D'ESTAIRES EN I602

Des injures et des blasphèmes

Quiconque s'ingérera appeler aulcune personne " bougre ou bougresse " (sic) sera pour la première fois mis au pilori l'espace de 3 heures et, pour la deuxième fois, aura la langue perchiée, et s'il se trouve nonobstant ce, coustumier de ce faire et récidive, il sera bastu et fustigiée des verges et banny à la discretion de la justice.

Un traitement analogue était infligé aux blasphémateurs, qui pour la première fois étaient mis au pain et à l'eau en prison étroite et ce, " pendant cinq jours en révérence des cinq plaies de N.S. J.-C. ".

Vingt-deux articles du règlement régissaient la voirie et l'entretien des chemins, fossés ruyots (ruisseaux des trottoirs) et l'on conviendra que cela n'était pas superflu quand on songe aux épidémies très fréquentes qu'occasionnaient les eaux stagnantes et polluées.

De même, les jeux de hasard étaient sévèrement réglementés. - En ce qui concerne les hosteliers, taverniers et cabaretiers,  l'ordonnance indique entre autres choses :

Des hosteliers, taverniers et cabaretiers

L'on défend à tous taverniers et cabaretiers, brasseurs de débiter ni vendre en leur maison aulx jours de festes et dimanche, tandis et pendant la tenue de la grand'messe et vespres ; ils seront tenus de fermer et tenir clos leurs huys (portes) et fenêtres, etc.

Des barbiers

L'on défend aussi à tous barbiers de tondre, racourchir ou faire barbe les jours de dimanches et festes solennelles sous peine et amende, à prendre ladite amende sur ceux qui se feront tondre ou barbier que sur les susdits barbiers.

Divers

Que nul n'escoutte autour de la maison d'aultruy de nuit sur amende de 3 livres. Que nul ne sire au poing ny fasse effroy sans cause de nuit sur amende de g livres, etc. etc.

En août 1692, un édit de Louis XIV créa à Estaires un conseiller du roi, un maïeur, un assesseur commissaire aux revues et logements des gens de guerre, mais le magistrat obtint, moyennant le versement de 1540 francs, la réunion de ces charges au corps de la ville.


LA DRAPERIE A ESTAIRES

Au XIIe siècle, l'industrie lainière et drapière florissait à Estaires, dont les tissus jouissaient d'une réputation qui dépassait largement les frontières, notamment en Angleterre, en Écosse et en Espagne.

Cette industrie était d'ailleurs étroitement réglementée, contrôlée et calquée, quant à la fabrication et les salaires, sur les conditions et coutumes de la ville d'Ypres, véritable capitale drapière de la région et dont la " Halle aux Draps ", si monumentale et si pittoresque, à survécu, reconstruite et modernisée, à la destruction de la Grande Guerre.

A vrai dire, la draperie était nominalement régie par le seigneur, qui, sur ce point comme sur bien d'autres, en tirait profit, et qui déléguait ses pouvoirs aux échevins, baillis et " eswards ", appellation que l'on peut traduire par contrôleurs de pièces, visiteurs et contremaîtres que l'on emploie aujourd'hui.

Ce contrôle s'exerçait non seulement au point de vue de ce que nous appelons maintenant " technique " mais encore sous le rapport de la qualité, de " l'aulnage " (mensuration), de la vente, et de la discipline des ouvriers groupés en corporation.

Les sanctions le plus souvent encourues pour les malfaçons étaient de l'ordre des amendes, tandis que les manquements à la discipline, à l'honnêteté commerciale et aux coutumes et règles de la corporation se traduisaient par des peines juridiques conjuguées très souvent avec d'autres pécuniaires ou commerciales : amendes, refus de sceau (contremarque de pièce) etc. (cf. ESPINAS, 1923. Mémoire au Congrès de Bruxelles.)

Il ne faudrait pas croire que ces sanctions fussent platoniques : au contraire, elles étaient appliquées dans toute leur rigueur si l'on s'en rapporte à l'extrait suivant du registre des plaids tenus à Estaires entre 1478 et 1493 : " Isabelet, fille de Jean Patoul, pour avoir dit vilaines paroles de la justice du prince et de ceux qui l'accompagnaient, sera tenue d'aller le jour de la sainte Katherine, venant devant la procession autour de la cymetière, portans un cierge dans sa main pesant z livres de cire, et à l'entrée de la procession venant de l'église, sera icelle Isabelet tenue, elle estans à genoux pryer mercy au seigneur ou à son bailly et aussi à ceux de la loy et aussi la première fois que monseigneur le Souverain ou son commis sera en icelle ville, sera ladite Isabelet tenue venir devant luy pryer mercy à genoux et dire qu'elle a esté mal conseillée et advisée.

Le cahier des réclamations du Tiers État présenté aux États Généraux en 1789 dit : " A Estaires, le seigneur percevait un droit sur les toiles qui rapportait 8130 livres par an, auquel s'ajoutait un droit de mesurage pour l'emploi des poids et Mesures propres à la localité. "

L'industrie drapière a disparu complètement à Estaires, victime en cela de la suppression de l'élevage du mouton ; de la Révolution, qui a empêché les transactions internationales ; et du machinisme, qui s'instaura au XIXe siècle, dans le Nord de la France, où l'industrie drapière, d'artisanale qu'elle était, s'est centralisée, pour ainsi dire, uniquement dans les grandes manufactures de Roubaix Tourcoing et de Fourmies pour ne nous en tenir qu'à notre contrée.


LES RÉCOLLETS A ESTAIRES

Ces religieux, appartenant à un ordre célèbre et ancien fondé par saint François d'Assise, s'établirent à Estaires en 1619 et furent aussitôt chargés de la Maladrerie.

L'année suivante, ils sollicitèrent et obtinrent l'autorisation de vendre cet établissement, qui, situé dans l'agglomération, pouvait provoquer la contamination et des épidémies, pour y installer un collège. Le transfert de la Maladrerie ayant eu lieu, comme nous l'avons dit, sur la route de Neuf-Berquin, les Pères Récollets transformèrent les locaux en une école où ils enseignèrent le latin et les humanités aux élèves qui se présentèrent de toutes parts.

L'école était consacrée à saint Bonaventure, docteur de l'Église et célèbre moine franciscain ; elle fut, en quelque sorte, l'embryon du collège qui, pendant de nombreuses années et aujourd'hui encore, dispensa l'instruction et l'éducation chrétienne à nombre d'enfants de la région.

Les Récollets, non seulement dirigeaient le collège, mais s'occupaient également des œuvres du saint ministère, aidaient le clergé des paroisses, prêchaient les missions, et quelques-uns d'entre eux étaient, comme nous l'avons dit, chargés de la Maladrerie.

La maison compta jusqu'à 10 pères et quelques frères convers, qui, en 1792, furent mis en état d'arrestation jusqu'à la fermeture de leur établissement au mois de juillet de la même année.

Une rue d'Estaires porte encore le nom " des Récollets ", commémorant ainsi une institution qui, dans sa forme primitive, ne disparut qu'à la Révolution (1790) et qui comptait à cette époque plus de 70 élèves, appartenant, en général, à des familles aisées de la contrée.

A la Restauration, les Pères Récollets ne se réinstallèrent pas à Estaires


LES SOEURS GRISES A ESTAIRES

Nous avons vu qu'il existait à Estaires un hospice-hôpital destiné à recueillir les malades et les pauvres pèlerins assez nombreux à cette époque de foi.

Enrichi par la munificence de Mairie d'Enghien, dame du lieu, et restauré après l'incendie de 1403, cet établissement fut confié aux soins des religieuses du Tiers Ordre de St François d'Assise, venues de Bailleul en 1460. Ces sœurs conservèrent jusqu'à 1790 la direction de cet hôpital, qui était un des plus importants de la contrée, tant par les ressources dont il vivait et qui étaient l'accumulation de donations souvent testamentaires, que par le nombre de lits réservés aux malheureux, malades et vieillards.

Les religieuses s'occupaient également de l'instruction des jeunes filles, à qui elles apprenaient à lire, à écrire et à confectionner de la dentelle.
Leur couvent avait été mis à sac par les Gueux en 1566. Il comptait 28 religieuses dont une sœur converse. La pension annuelle de toute la Communauté était fixée à 8 250 francs.
Les Sœurs Grises quittèrent leur maison au cours de la Révolution et ne se réinstallèrent pas à Estaires, où elles avaient résidé pendant plus de 300 ans.


LA DENTELLE A ESTAIRES

Nous venons de dire que les Sœurs Grises d'Estaires enseignaient la fabrication de la dentelle.

Cette industrie, comme plusieurs autres, était florissante à Estaires au XVIIIe siècle et même au commencement du XIXe. D'après Dieudonné, préfet du Nord sous le 1er Empire, les villes de Bailleul, Cassel, Estaires, Hazebrouck, Meteren et Steenvoorde comptaient une population de 1269 dentellières en l'an IX (1801), soit 100 de plus qu'en 1789.

On n'y fabriquait que " fausse Valenciennes " ; à Estaires seulement, la moitié des dentellières travaillait " le fond de Paris ".

Cette industrie à domicile a disparu, victime du machinisme comme beaucoup d'autres.


FOIRES ET MARCHÉS D'ESTAIRES

La " foire franche " d'Estaires se tenait le 22 juillet, date à laquelle elle avait été reportée, car elle se tenait autrefois le 8 septembre, fête de la Nativité de N.-D., parce que " subrepticement ", dit la chronique, la ville de Bailleul avait obtenu la concession d'une foire semblable à la même date. Il en était résulté pour celle d'Estaires un amoindrissement considérable, voire la ruine.

D'autre part, les habitants d'Armentières avaient obtenu des archiducs Albert et Isabelle la concession d'une deuxième foire le 18 juin outre celle ordinaire du 9 mai.

La foire d'Estaires du 22 juillet avait perdu, de ce fait, toute son importance car ...

...les toiles, bestes et aultres marchandises étaient à présent escumées, diverties et attirées par la franche foire d'Armentières à la totale ruyne non seulement de la dite franche foire d'Estaires et de la hebdomadaire, mais aussy du notable revenu de la dite terre par la diminution des droitz d'aubrage, servage, poids et aultres.

Le seigneur de Vendegies, baron de la ville et terre d'Estaires et d'Haverskerque, chef des finances de l'Archiduc, obtint donc de celui-ci l'autorisation d'une deuxième foire franche le 25 du mois d'octobre, jour de Saint-Crépin " avec tous les mêmes privilèges, droitz, franchises et immunitez quelconques " aussy aux mêmes charges, devoirs et conditions.

De temps immémorial, le marché hebdomadaire d'Estaires se tient le jeudi. Il est très achalandé en particulier en légumes, fruits, beurre, oeufs, volaille, poisson, etc., et sa mercuriale est souvent prise comme base des transactions de la semaine suivante pour la région environnante et même au delà.

Une affluence considérable y vient des campagnes et des villes voisines du bassin houiller, attirée par l'excellente qualité et le bon marché relatif des produits qui y sont mis en vente


LA DOMINATION ESPAGNOLE ( IV et fin)

Revenons maintenant la revue chronologique des événements :

1608. - Sur la voie romaine de Cassel à Estaires, dénommée Heerstraete, et qui n'était déjà plus pavée, on découvre encore des médailles et monnaies romaines, certaines de ces monnaies portaient comme inscription : Diva Fausta Pia alia Lucilla Aug.

1609. - Un bailli d'Estaires du nom d'Adrien Scrickius écrit à cette époque ses remarques sur Estaires et Minariacum.

1611. - Par lettre en date du 8 août, les archiducs Albert et Isabelle érigent en comté Estaires et ses dépendances en faveur de Nicolas de Montmorency.

1612. - Le 15 décembre, par ordonnance des mêmes archiducs, la ville est autorisée à faire un emprunt de 10 000 florins au denier 16 pour la construction de la halle.

1613. - Emprunt de 8 000 florins pour la reconstruction de l'hôtel de ville. -

Le monument, qui a survécu jusqu'à la guerre 1914-1918 et dont nombre de nos concitoyens se souviennent, avait bel aspect dans le style quelque peu espagnol. Aussi mérite-t-il un article d'un de nos concitoyens, Charles Donze, article paru en 1902 dans le Bulletin du comité flamand :

L'Hôtel de Ville

L'hôtel de ville d'Estaires, d'après la date inscrite en briques noires, datait de 1612. Il semble donc qu'il ait été construit entre 1600 et 1612, après l'incendie qui, en 1577, allumé par les Huguenots retranchés au Doulieu, avait ravagé la ville, l'église et vraisemblablement l'hôtel de ville.

Le monument portait, en outre, de chaque côté de la date de 1612, sculptées dans la pierre, les armoiries de la ville et celles des Montmorency-Robecq. Ces écussons disparurent à la Révolution en exécution d'un décret de la Convention en date du 1er août 1793 ordonnant que toutes les armoiries fussent enlevées sous huitaine, de toutes les maisons, édifices, etc.

A l'origine, l'hôtel de ville était de structure symétrique. On y accédait par un escalier double en pierre et la porte située sous la bretèque était celle de la prison ou " cul de fosse ".

Outre les services de la mairie proprement dits, situés à l'étage, l'hôtel de ville comportait au rez-de-chaussée dans son extrémité gauche un commissariat de police et plus à droite le service de l'octroi ; entre ces deux locaux, un hôtel-restaurant dont la réputation avait largement dépassé les limites de la commune.
A l'extrémité droite, se trouvait le bureau de Postes et le service des Poids et Mesures.

A l'étage encore, en plus de la salle réservée au Conseil Municipal, une grande pièce servait de salle de fêtes et de répétitions de la musique municipale dont, soit dit en passant, la virtuosité avait, elle aussi, dépassé le cadre de la région.

Malheureusement, ce vestige du passé fut aussi anéanti en 1918.

1614. - Le 11 avril, par lettres patentes de Bruxelles, le comte et la comtesse " de Flandre autorisent la ville à s'imposer jusqu'à concurrence de 18 000 florins en 18 années pour la reconstruction de la tour de l'église.
Lors de la reconstruction de celle-ci en 1853-1858, cette tour carrée et massive a été conservée. Les vieux Estairois se rappelleront le joli point de vue que, du haut de la plate-forme, on avait le dimanche, jour où l'accès en était autorisé. - C'était toute la Flandre jusqu'au Mont des Cats et au Mont Cassel que l'on avait sous les yeux, tout le bas pays jusqu'à Béthune d'une part, et Armentières d'autre part. Il a fallu, pour elle aussi, la guerre 1914-1918 pour la faire complètement disparaître, après avoir défié trois siècles.

1618. - François de Montmorency, neveu de Nicolas, se fait Jésuite ; son frère, Jean, épouse Madeleine, fille de Gilles de Lens .
Né le 4 octobre 1578 à Aire, mort à Douai le 5 février 1640, François de Montmorency était issu du mariage de Louis de Montmorency, seigneur de Beuvry et de Jeanne de Saint-Omer. - Il fut successivement protonotaire apostolique, prévost de la collégiale de Saint-Pierre à Cassel et chanoine de la cathédrale de Liège. - Il possédait de grands biens, auxquels il renonça au profit de son frère Jean pour entrer dans la Compagnie de Jésus, dont il devint Provincial.

1619. - Jean de Montmorency, chevalier de la Toison d'Or, comte d'Estaires, fait venir les Récollets dans la ville après y avoir fait bâtir un couvent dont une partie devait être réservée en maladrerie avant le transfert dont il a été parlé plus haut.

1620.- Mort d'Anne de Croy, veuve de Nicolas de Montmorency.

1622. - Emprunts de 6 000 florins pour les écoles latines, autorisés sur la Maladrerie, qui possède 55 mesures en Cassel et Warneton.

1624. - L'église est restaurée et une tour sera édifiée après qu'un procès-verbal ait été dressé par M. Camp, ingénieur à Arras, touchant les moyens d'établir des fondations de la tour.

Vers cette époque (1624) une maladie contagieuse sévit cruellement sur la ville, dont la population pauvre est surtout victime. De plus, entre 1624 et 1648, le pays souffre des " voleries " et incursions des soldats débandés. Aussi, en 1626, Philippe IV d'Espagne, par ordonnance délivrée à Bruxelles le 27 novembre, autorise la ville à emprunter 1 840 florins pour secourir les indigents et les malades pauvres.

1630. - Jean de Montmorency, seigneur d'Estaires et chevalier de la Toison d'Or, est nommé ambassadeur à Madrid. Il meurt le 14 octobre 1631, ayant eu 11 enfants. Il est enterré dans l'église des Récollets avec deux de ses fils, Nicolas, comte d'Aire, et le baron d' Haverskerque. Son fils Eugène lui succède.

1633. - 20 décembre, Philippe IV, roi d'Espagne, autorise la ville à s'imposer pour les pauvres.

1636. - Une infirmerie pour pestiférés est établie.

1636. - Claude Lespillet, curé d'Estaires.

1637. - Christophe de France, évêque de Saint-Omer, atteste par lettre que Claude Lespillet, religieux de Chocques et curé d'Estaires, lui a montré un reliquaire dans lequel se trouvaient une côte de sainte Martine et un os de saint Anthime ou Anthimont, avec les authentiques de Gaspard, évêque d'Anvers et du R. P. de Montmorency, religieux de la Compagnie de Jésus.

1640. - François de Montmorency, provincial des Jésuites, meurt. - Eugène de Montmorency épouse Marguerite-Alexandrine, fille de Philippe de Ligne, prince d'Arenberg. - Il est fait chevalier de la Toison d'Or, gouverneur général d'Arlon et de Saint-Omer.

1647. - Une division de troupes espagnoles, arrivée à Estaires le 29 juillet, quitte cette position le 11 août. Il s'agit de la guerre de succession d'Espagne sous Louis XIV.

1648. - Les Espagnols, venant de Furnes, s'emparent du château d'Estaires et marchent sur Lens. - De Willequier, général français, reprend Estaires et fait prisonniers trois cents Espagnols.

1649. - 10 octobre. Les Espagnols prennent La Motte au Bois.

1658. - Turenne assiège La Motte au Bois qu'il prend en trois jours et qu'il rase.

1659. - Par le traité des Pyrénées, Estaires est rendu l'Espagne.

1660. - Dujardin, curé d'Estaires.

1667. - Le château d'Estaires est démantelé.

1668. - Estaires est rendue à la France

En réalité, cette réunion n'eut lieu que par un traité du 16 mai 1769. Par ce traité, la France cédait aux Pays-Bas un certain nombre d'enclaves en Belgique et recevait, en échange, des enclaves correspondantes en France, dont le Pont d'Estaires, Estaires, Le Doulieu, Robermetz.


VUE ET PLAN D'ESTAIRES AU XVIIe SIECLE

1. L'église paroissiale, située à l'emplacement actuel
2. Église des Récollets.
3. Sœurs Grises et hôpital.
4. Le château du Seigneur
5. La halle et maison de ville
6. Le court des hommes de Haufquerque.
7. La grande école.
8. Le grand marché (Grand'Place actuelle).
9. Le petit marché (Petite place).
10. Le marché aux grains (place Montmorency).
11. Le rivage (actuel).
12. Le jardin des canonniers.
13. Le jardin des arbalétriers.

14. Le jardin des archers.
15. Les fossés de ville
16. La porte de l'église
17. La porte de La Gorgue
18. La porte du Brequin ou du Boerquin ou du Moulin
19. La porte du Bois, rue du Collège actuelle.
20. La rivière la Lys.
21. Le grand pont d'Estaires (le seul qui existait).
22. Le marché du pont d'Estaires .
23. Le petit pont d'Estaires placé sur la Meterenbecque..
24. Le moulin du pont d'Estaires (un deuxième moulin se trouvait sur la route de Berquin, qui a lui aussi disparu).
25. Le bac (à l'endroit actuel du pont de la Meuse).

Vers 1650. - Dans son ouvrage magistral Flandria illustrata (tome II, page 470), Sanderus fait en latin un exposé assez succinct de l'histoire Estaires jusque son temps (1650).
Son récit, illustré d'une vue générale et d'un plan détaillé de la ville d'alors, comporte une légende qui complète et corrobore en quelque sorte les différents chapitres que nous y avons nous-mêmes consacrés , et qui dénote également quelle était l'importance de la cité.


LA DOMINATION FRANCAISE JUSQU'A LA REVOLUTION

Durant la période qui s'écoule depuis sa réunion à la France jusqu'à la Révolution de 1789, Estaires, à l'écart des guerres qui, à maintes reprises, l'avaient ravagée, mène une vie plus calme tout à fait propice à son commerce et à son industrie. Peu de faits saillants durant ce laps de temps.

1672. - La Maladrerie est donnée à l'Ordre du Mont-Carmel et Saint-Lazare.

1650. - La ville d'Estaires dépense la somme de 16 085 livres 20 sols pour le logement et la nourriture des gens de guerre pendant l'hiver de cette année.

Le 17 septembre, une lettre de M. Légillon, datée du château de La Motte-au-Bois, transmet au magistrat d'Estaires l'ordre donné par M. de Palluau " d'avoir à raser promptement les fortifications que les ennemis ont faites en votre lieu. Vous courrez fortune d'estre réduit en cendres ; c'est un advis salutaire que je vous donne ".

La municipalité ne se le fit pas dire deux fois, sachant par expérience ce qu'il en coûte d'être considéré comme place forte, aussi ordonne-t-elle immédiatement le démantèlement de la ville.

1681. - Monier, curé d'Estaires.

1693. - Un arrêt du Conseil du roi Louis XIV, du 1er décembre, institue quatre charges de brasseurs à Estaires et confère ce privilège à quatre personnes moyennant le versement de 2 000 livres. Ces offices étaient héréditaires et leurs propriétaires étaient seuls autorisés à fabriquer et à livrer la bière dans le comté d'Estaires.

1698. - Rohart, curé d'Estaires.

1706 à 1708. - Courses des ennemis, qui ravagent la région (pertes 8 400 livres).

1720. - Le 23 mai, François de Valbelle de Tournes, évêque de Saint Omer, érige dans l'église d'Estaires la confrérie du Saint-Sacrement ou du Viatique, érection qui est confirmée par le pape en 1724.

1718-1721-1722. - Les biens d'octroi sont évalués à 1273 florins 10 patars ; le budget des dépenses à 4012 florins 15 patars, 2 deniers. En 1721 dépenses 7795 florins 4 patars 10 deniers. Revenus de la ville : 3094 florins 17 patars 9 deniers.

1723. - On dresse l'état des biens patrimoniaux appartenant à la ville d'Estaires.

1731. - Mort de Deneufville, né à Estaires. - Bachelier en théologie de l'Université de Douai, vicaire à Saint-Venant, vice-curé de Saint-Sépulcre à Saint-Omer et enfin, curé de Sainte Aldegonde à Saint-Omer en 1700. - Par ses veilles laborieuses et ses recherches sur les antiquités des pays et les registres de Saint-Omer, il forma les " Annales " de cette ville et mérita le surnom d'Illuminater Antiquatum.

1745.- Le 7 juin, la nouvelle comtesse d'Estaires, la princesse de Montmorency-Luxembourg, première femme du comte Anne Louis de Montmorency, et descendante du fameux maréchal de Luxembourg, surnommé le tapissier de Notre-Dame de Paris, fit son entrée dans sa ville qui, de ce fait, fut astreinte aux dépenses ci-après :
 

Primes : 

on lui a présenté une bourse avec 100 louis faisant 1920 florins ;
payé pour un feu de joie et d'arti6ce : 391 florins 6 patars ;
pour l'illumination de I'Hôtel de Ville : 33 florins, 12 patars ;
pour la poudre distribuée aux jeunes gens, aux confréries (archers et arquebusiers),aux portefaix qu'on a fait omettre sous les armes : 290 florins 11 patars ;
pour les instruments de musique : 117 florins 11 patars ;
pour les frais de joute sur l'eau et avoir tiré l'oie : 45 florins 17 patars ;
pour un bouquet présenté par la jeunesse à Mme la Comtesse, et pour voiage à Lille et à Cassel : 73 florins 16 patars ;
pour les vins d'honneur présentés à la dite dame ; item pour ceux distribués pendant trois jours de balles (sic) y compris aussi les autres rafraîchissements et ce qu'on a donné aux jeunes gens, aux jouteurs et tireurs d'oye : 302 florins 3 patars.

Total : 3174 florins 9 patars.

Voilà, n'est-il pas vrai, une comptabilité bien explicitée jusqu'au dernier centime et dont nos modernes municipalités pourraient sans doute s'inspirer !

1765. - Lettre du prince de Robecq défendant au bailli d'Estaires d'arrêter quelqu'un de la confrérie de Saint-Sébastien, et l'engageant à terminer toutes les affaires contre les confrère à l'amiable, et d'en informer le prince.


L'ENSEIGNEMENT AVANT LA REVOLUTION

Il est indéniable qu'avant la Révolution, et même avant la seconde moitié du XIXe siècle, l'instruction était moins répandue, particulièrement dans les campagnes. Certes, saint Jean-Baptiste de la Salle avait bien essayé, un siècle auparavant, de remédier à cette situation en créant l'Institut des Frères des Écoles Chrétiennes, mais ses efforts n'avaient guère touché que les villes importantes.

Ajoutons à cela que bientôt ses institutions furent battues en brèche par la Révolution. Néanmoins, des initiatives particulières, favorisées par les autorités, avaient installé dans beaucoup de communes des écoles gratuites pour les enfants dont les ressources ne permettaient pas leur envoi dans les collèges des villes. Le plus souvent, ces écoles étaient tenues par le clerc de la paroisse. Il est d'ailleurs juste de dire que les parents, en général, se désintéressaient de l'instruction de leurs enfants, pressés qu'ils étaient de les faire travailler à des tâches souvent au-dessus de leurs forces physiques ou aux travaux des champs.

En ce qui concerne Estaires, nous voyons que vers l'an 1600 la ville est autorisée à lever un impôt de 284 livres 14 sols 'pour payer le " clerc maître d'école ", l'absence de ce maître se faisant fortement sentir pour l'éducation et l'instruction de la jeunesse et les prédécesseurs du clerc ayant quitté leur emploi parce que leurs revenus étaient insuffisants.

En 1618, Jacques Hamelin constitue une rente de 27 livres pour l'établissement d'une école dominicale. A la même époque, les comptes de cette école indiquent que la maîtresse recevait " pour une demi-journée de pension pour l'enseignement des enfants à charge d'icelle, à l'avenant de 50 florins ".

Jean-Baptiste Platevoet était maître d'école en 1755 ; ses gages de ce qu'il enseigne les pauvres gratuitement étaient de 120 livres parisis par an.

Les RR. PP. Récollets avaient aussi des écoles latines et recevaient 200 florins, desquels il fallait déduire le loyer de la maison, soit 75 florins. La ville payait les livres des prix, dont la dépense s'élevait de 18 à 24 florins. - Un compte du 10 janvier 1776 montre une lettre de rente de 432 livres parisis transportée " au profit de l'escole dominicale ".

Un autre compte du 6 juillet suivant indique aussi l'existence de l'école dominicale, qui jouissait de plusieurs donations.

En 1790, les Sœurs Grises tenaient toujours l'école dominicale (cf. le comte de Fontaine de Resbecq, 1878),qui ne disparut que pendant la Révolution lors de la dispersion des religieuses.